Vous avez déjà entendu parler de l’approche systémique en psychologie, en sociologie ou autre et vous vous demandez si on peut exploiter cette méthode dans le cadre de l’éducation canine ? L’approche systémique chez le chien, c’est justement ce que je vous propose, en tant que comportementaliste canin d’aborder avec vous ci-dessous.
Sommaire
L’approche systémique : c’est quoi ?
L’approche systémique est une perspective théorique et méthodologique qui considère les phénomènes comme des systèmes complexes, interconnectés et interdépendants. Elle vise à comprendre les éléments d’un système dans leur contexte global, plutôt que de les analyser de manière isolée. Cette approche est utilisée dans divers domaines tels que la biologie, la psychologie, la sociologie, la gestion, la thérapie familiale, et révèle toute son intelligence dans l’éducation canine.
Au cœur de l’approche systémique se trouve le concept fondamental de « système« . Un système est un ensemble d’éléments interconnectés qui travaillent ensemble pour atteindre un objectif commun. Ces éléments peuvent être des individus, des organes, des idées, des organisations, etc. L’approche systémique considère que le tout est plus que la somme de ses parties, et souligne de ce fait l’importance des relations et des interactions dynamiques entre les composants.
Un aspect essentiel de l’approche systémique est la rétroaction, où les résultats d’un processus affectent ce même processus. Les systèmes sont souvent caractérisés par des boucles de rétroaction, positives ou négatives, qui amplifient ou atténuent les changements. Nous retrouvons la même idée avec les conséquences d’un comportement. Certaines ont tendance à affaiblir un comportement alors que d’autres ont tendance à renforcer le comportement. C’est-à-dire que le comportement aura tendance à se reproduire. Nous ne faisons rien d’autre que renforcer, en éducation canine, les comportements souhaités. Cela contribue à la compréhension des dynamiques complexes à l’intérieur d’un système.
En psychologie, par exemple, l’approche systémique est souvent utilisée en thérapie familiale. Plutôt que de se concentrer sur un individu isolé, le thérapeute examine les relations au sein de la famille en tant que système. Les changements dans le comportement d’un membre de la famille peuvent influencer et être influencés par les autres membres, créant ainsi un réseau de relations dynamiques. C’est exactement ce que l’éducateur canin formé à l’approche systématique fait avec ses clients, qui appartiennent au système de vie du chien.
Dans le domaine de la gestion, l’approche systémique est appliquée pour comprendre les organisations en tant que systèmes complexes. Elle examine comment les différents départements, individus et processus interagissent pour atteindre les objectifs organisationnels. Les décisions prises dans un département peuvent avoir des répercussions dans toute l’organisation, et vice versa.
L’approche systémique utilise également des concepts tels que la hiérarchie, l’holarchie (organisation en holons, où chaque partie est à la fois un tout en soi et une partie d’un ensemble plus vaste), et la cybernétique (étude des systèmes de contrôle et de communication dans les êtres vivants et les machines).
En résumé, l’approche systémique offre une manière holistique de comprendre la complexité des phénomènes en considérant les interactions et les relations entre les composants d’un système. Elle est utilisée dans une variété de disciplines pour résoudre des problèmes, prendre des décisions informées et promouvoir une compréhension approfondie des systèmes complexes dans lesquels nous vivons et travaillons.
Dans l’approche systémique, le sujet n’est ni le point de départ ni le point d’arrivée. Le chien m’importe moins que son espace vital. Il s’agit plutôt d’une perspective sociologique. Il est nécessaire de prendre de la hauteur et d’élargir les champs, notamment celui du questionnement et du vocabulaire.
Dans l’étude canine par exemple, il convient de ne plus se satisfaire de conclusions fermées telles que : Zoé est une chienne réactive ou Sultan un chien mordeur. Les conclusions courtes de ce type ramènent d’emblée à une analyse du sujet. Or, le plus souvent c’est le contexte qui explique la morsure plus que l’état du sujet lui-même.
Vous pouvez être calme et d’un naturel sociable, votre comportement va se modifier très vite si vous êtes menacé. Si vous êtes impliqué dans une dispute qui tourne aux poings et qu’une personne bienveillante vous retient le bras, vous allez peut-être vous retourner contre elle, car elle vous met en danger. C’est la même chose pour un chien. Pour finir, si vous blessez sérieusement votre agresseur, vous allez de toute façon être auditionné par la police. Croyez-vous que vous serez serein à l’audition, sachant que vous êtes quasiment considéré comme violent alors que vous êtes la victime ? Mettez-vous à la place du chien qui a mordu un enfant qui le tapait avec son jouet. Sera-t-il détendu dans le cabinet vétérinaire, muselière sur le nez, et cerné de phéromones négatives ? Déroulons le scénario : que le chien soit classé mordeur ou non, les parents vont abandonner le chien dans un refuge pour éviter tout nouvel accident. Pensez-vous qu’ils expliqueront toute l’affaire en incriminant leur enfant, ou bien vont-ils charger le chien et l’estampiller mordeur ?
Éduquer un chien par l’approche systémique
L’éducation d’un chien selon l’approche systémique implique de considérer le chien, son propriétaire, l’environnement et les interactions entre ces éléments comme un système interconnecté. Tous les éducateurs canins ne travaillent pas de cette manière et il est raisonnable de se demander ce qu’est un coach canin par rapport à un éducateur canin. Voici quelques principes systémiques que vous pourriez appliquer :
1. Comprendre le Système :
Identification des Acteurs : Considérez le chien, le propriétaire, et d’autres éléments de l’environnement (autres animaux, membres de la famille, etc.) comme des acteurs clés.
Relations Dynamiques : Analysez comment les comportements du chien interagissent avec ceux du propriétaire et vice versa.
2. Communication et Rétroaction :
Rétroaction Positive et Négative : Comprenez comment les réponses du chien (positives ou négatives) influencent les comportements du propriétaire, et inversement.
Réajustement Continu : Modifiez vos propres comportements en réponse aux réactions du chien pour atteindre les résultats souhaités.
3. Contextualisation des Comportements :
Comprendre le Contexte : Évitez d’isoler les comportements du chien. Considérez le contexte dans lequel ils se produisent (lieu, heure, personnes présentes, etc.).
Adaptabilité : Soyez prêt à ajuster vos attentes et méthodes d’entraînement en fonction des changements dans l’environnement.
4. Considérer l’Individu :
Individualité du Chien : Chaque chien est unique. Considérez sa personnalité, ses besoins spécifiques et adaptez votre approche en conséquence.
Propriétaire comme Facilitateur : Le propriétaire est également une partie du système. Considérez comment votre propre comportement influence celui du chien.
5. Objectifs et Feedback :
Clarifier les Objectifs : Établissez des objectifs d’entraînement clairs en tenant compte du bien-être du chien et de la relation avec le propriétaire.
Feedback Constant : Donnez et recevez un feedback constant pour ajuster vos méthodes et vous assurer que le chien progresse positivement.
6. Approche Positive :
Renforcement Positif : Favorisez les comportements positifs en récompensant le chien plutôt qu’en punissant les comportements indésirables.
Cohérence : Soyez cohérent dans vos récompenses et sanctions pour que le chien puisse comprendre clairement les attentes.
7. Intégration dans la Famille / Environnement :
Famille comme Système : Considérez la famille comme un système où chaque membre joue un rôle dans le comportement du chien.
Éducation Familiale : Impliquez les membres de la famille dans le processus d’éducation pour assurer une cohérence dans les commandes et les attentes.
L’approche systémique en éducation canine met l’accent sur la compréhension des relations et des dynamiques entre le chien, le propriétaire et l’environnement. En adoptant une perspective holistique, vous pouvez créer un environnement propice à un apprentissage positif et à une relation harmonieuse avec votre chien.
Considérer les choses dans leur globalité
Vous le voyez, la réduction au plus petit élément masque toujours une réalité autre. Il faut questionner en tout sens et ne pas se laisser enfermer dans un discours réducteur.
Qui ce chien a-t-il mordu ? Peut-on décrire le comportement de la victime juste avant la morsure ? Était-ce la première fois ? Quand est-ce arrivé ? Où ? Comment était-il avant l’arrivée du sujet mordu ? Quelles furent leurs interactions ? Etc. Si vous vous destinez au métier d’éducateur canin, il est primordial de vérifier le programme de formation comportementaliste canin de l’école que vous choisirez, pour vérifier que cet aspect est enseigné.
Pour aller plus loin sur le sujet de l’approche systémique chez le chien, je vous propose la lecture de mon livre.
Le chien au macroscope : une approche systémique du comportement canin
Laissez-moi illustrer une dernière fois mon propos. Un enfant qui s’est battu six fois en un an à l’école est un enfant bagarreur. Ça, c’est la vision fermée. Mais si notre questionnement révèle une moquerie permanente de son physique par ses camarades, l’enfant apparaît alors comme une victime qui se défend. On arguera qu’il ne se défend pas de la bonne façon. Certes, mais en agrandissant le cercle des responsabilités, on découvrira que les encadrants n’ont pas pris en compte ses premières plaintes. De la même manière, il est crucial d’effectuer un travelling arrière dès que possible pour faire apparaître d’autres acteurs et surtout des liens insoupçonnés entre le chien et son entourage.
Cessons d’étiqueter les chiens.
Laisser un commentaire